Neige
J’ai un jour rongé la moelle entre l’os et la vie
Le texte se présente comme un oratorio imprécatoire. D’un style à l’éloquence invocatoire aux engagements sataniques dans son propos, il engage un chemin dans la parole excessive, impraticable autour de Francis Bacon. Il s’affirme comme un texte « précaire » : une prière au sens latin, qui a vocation à agir comme une offrande mystique dans un cadre rituel, celui de l’élocution poétique : celle de la perte du langage dans la langue, de la perte de la langue dans la voix. La ritualisation prophétisée à l’excès dans une prosodie rythmée jusqu’à l’hallucinatoire, revendique une filiation entre l’engagement mythique des Aztèques pour le sacrifice humain et la réhabilitation du 5e soleil, marquant la fin apocalyptique de la régénération cosmique. Francis Bacon, institution apocalyptique, joue comme soleil à l’époque contemporaine. Francis Bacon s’avère le seul à pouvoir traduire et manifester le sens extrême d’une telle précaution rituelle et oratoire, sans faire tourner la ritualisation à un exutoire superficiel. Le texte restaure l’ambivalence de l’extorsion du cœur à l’esclave qu’est l’auteur, qui est, aussi, le Maître du sacrifice une soustraction incessante de la Parole au mot. Il engage un sens forcené, une vision qui s’avère ésotérique, permettant de rendre la violence de la parole au langage.