Sciences sociales
UTOPIQUES 1 – LE PROCÈS DES MAÎTRES RÊVEURS
La légende noire, qui accompagne toutes les périodes de réaction et de désarroi, a fait de l’utopie l’antichambre du Goulag, voire des camps, et elle ne nous laisse rien espérer de l’avenir. Et pourtant, un simple coup d’œil sur l’Histoire prouve le contraire : l’utopie est inséparable d’une pensée de l’émancipation qui a trouvé dans ce « splendide XIXe siècle » (André Breton) son épanouissement. Miguel Abensour évoque ici une de ces figures les plus fascinantes, celle du « génial Pierre Leroux » (Marx), qui fut sans doute l’inventeur du mot socialisme.
POUR UNE PHILOSOPHIE POLITIQUE CRITIQUE
"Critique, cette philosophie politique l’est de par la jonction de deux dimensions, la critique de la domination d’une part, une interrogation permanente sur ses conditions de possibilité de l’autre. À vrai dire, une troisième dimension se fait jour dans ces pages, traversées en quelque sorte par une montée de l’utopie, au point d’infléchir cette philosophie vers une philosophie politique “critico-utopique”, si l’on reprend le terme forgé par Marx pour désigner les socialistes utopiques qu’il tenait, contrairement à la légende, en grande estime pour avoir su donner “l’expression imaginative d’un monde nouveau”. C’est sous des formes diverses, le lien humain chez Pierre Leroux, l’humain chez Emmanuel Levinas, la confrontation entre l’utopie et la démocratie que sont tentées une sortie, mieux, une évasion vers ce qui est différent, vers l’autrement. Contrairement à la doxa prisonnière de l’horizon libéral, il n’est pas vrai que la démocratie ait évincé l’utopie, comme si l’époque de la démocratie avait succédé à l’époque de l’utopie en en signant la fin."
LETTRE D'UN "RÉVOLTISTE" À MARCEL GAUCHET CONVERTI À LA "POLITIQUE NORMALE"
Cette Lettre est la réponse tout à la fois ironique et vigoureuse de Miguel Abensour à l’agression de Marcel Gauchet à son égard dans son ouvrage La Condition historique (Gallimard). On y trouve une réflexion critique sur le drapeau brandi par Marcel Gauchet : la politique normale. À lire Miguel Abensour, il semblerait que l’art du pamphlet soit encore (heureusement) vivant.
MAXIMILIEN RUBEL - POUR REDÉCOUVRIR MARX-
- Miguel Abensour et Louis Janover - « Tout ce que je sais, c’est que moi je ne suis pas “marxiste”. » C’est en référence à cette phrase de Marx et à la lumière de ce que sont devenus les « marxismes » que Maximilien Rubel a établi une distinction radicale entre « marxien », qui se rapporte exclusivement à l’œuvre de Marx, et « marxiste », qui renvoie aux épigones de toutes sortes. Ironie de l’histoire : cette différence est devenue la chose la mieux partagée du monde, après avoir été objet de scandale. L’œuvre de Maximilien Rubel n’en reste pas moins « en écart » – et toujours écartée. Miguel Abensour en scrute les origines, en menant une réflexion sur le travail d’édition et de recherche d’un penseur déterminé à redonner à l’analyse critique de Marx ses multiples dimensions comme sa place dans le mouvement d’émancipation qu’elle accompagne. Louis Janover montre que Maximilien Rubel n’a pas seulement arraché Marx aux marxismes, mais ouvert nombre de perspectives susceptibles d’aiguiller la critique contre les formes les plus subtiles de confusion qui prennent l’allure de la feinte-dissidence, dernier avatar de l’idéologie. En regard, un entretien avec Maximilien Rubel permet d’embrasser l’arc de sa vie.
HANNAH ARENDT CONTRE LA PHILOSOPHIE POLITIQUE ?
Selon l’opinion du jour, Hannah Arendt serait connue et reconnue pour avoir élaboré une des grandes philosophies politiques du temps présent. Cette appréciation n’a-t-elle pas pour défaut d’occulter l’hostilité déterminée de Hannah Arendt à ce qu’il est convenu d’appeler « philosophie politique » ? Hannah Arendt n’a-t-elle pas explicitement avoué qu’elle prenait toujours soin de mentionner l’opposition qui existe entre philosophie et politique ? De là, sinon l’ouverture d’un réquisitoire, tout au moins la mise en lumière de ce qui fait obstacle à une fusion harmonieuse entre philosophie et politique. De là, un jeu complexe entre la critique du platonisme et l’exception kantienne. La question est donc : faut-il canoniser Hannah Arendt ou bien laisser entendre la voix dérangeante de « l’enfant terrible » de la pensée politique ? Bref, quel est le ton de la politique ?