… De vos nouvelles
SANDWICH CARACTÉRIEL
“Nous avons rentré le chrysanthème. Pour ne pas qu’il gèle, parce que nous pouvons dire non et tenir encore. Rigoler aux discours et supporter les journées enchaînées, les accidents imprévisibles toujours. Tiens, aujourd’hui plutôt qu’hier ? Là-bas c’est l’été... Quelle est donc, l’hiver, cette idée du soleil ? Cette boîte marquée haut et bas, une latte en diagonale. Cet équilibre perdu. Ces marques baffées derrière l’oreille. Ce compte en banque à l’agence, encombré de sueurs... ”
LE DEUIL DES DEUX SYLLABES
“Aujourd’hui, j’ai recommencé. Je ne sais pas quoi en penser, je croyais que j’étais guérie, comme si c’était une maladie, une simple maladie qui expire aux remèdes. Le temps en était un, en pleins déliés lisibles tout en haut de l’ordonnance. Des tours d’horloge par milligrammes, de la patience en gélules et de l’espoir en gouttes. Un céladon serein, vingt-cinq dans un verre d’eau matin midi et soir. Le tournoiement des aiguilles se reflétait au blanc de l’œil tandis que chaque gorgée m’ancrait dans un réel glucosé d’optimisme.”
L'OMBRE ET L'ANNEAU
“Par inadvertance ou presque, se penchant au-dessus du puits, il venait d’apercevoir le reflet de la dame sur le miroir sombre des eaux, pensant d’abord qu’il s’agissait d’une étrangère importune ou d’une apparition aquatique montée des profondeurs, avant de reconnaître justement la dame qui était l’être au monde qu’il chérissait désormais le plus.”
MAÎTRE NEMO LARGUE LES AMARRES
“Maître Tapiro digérait paisiblement, les pieds posés sur le bureau, lorsque son assistante lui apporta la lettre recommandée. Une telle audace à l’heure rituelle de son Havane, officiellement "garanti sans nicotine”, ne pouvait présager que d’une mauvaise nouvelle.”
J'ADORE LA CUISINE D'AFRIQUE
“– Oui mais, ça se voit ?
– Quoi, la repartie ? impossible puisqu’elle est repartie.
– Tiens, qu’est-ce que je disais, et le voilà reparti ! Réponds-moi sérieusement, est-ce que ça se voit le vin qui me monte aux joues ?
– Tu parles du rouge ou du blanc ?
– Du noir, ah, cette fois je t’ai bien eu !
– Et tu crois que je n’y ai vu que du bleu...
– Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir...
– De voir la vie en rose ?”
MON CON D'CHIEN
“Putain qu’est-ce qu’on va lui raconter à la zine, déjà qu’elle nous fait chier avec la zique qu’elle dit toujours qu’on joue trop fort la nuit... Et voilà que ce con d’chien il a étendu le chien à la zine, qu’est-ce qui t’a pris toi con d’chien d’avoir shooté le caniche à la zine, y t’a foutu les boules ou quoi ?”
AILE JUSQU'AU BOUT M'AIME
“Lui aussi possédait des ailes, tant à son prénom qu’à ses talons, ses omoplates ou ses tempes. Dans sa démarche, sorte de déambulation innée, libre et provocante, l’avancée de la hanche opposée à la poussée du pied dont le talon ne se reposait que peu, donnait l’illusion qu’il effleurait le sol. Balder dansant ?”
VOUS AVEZ UN MESSAGE
“[...] c’est dehors, devant les poteaux-hérissons, qu’on retenait en les écrivant d’une écriture griffue de chat sur un bout de papier sorti de sa poche les noms et les numéros de téléphone. Et parmi tous les messages urgents et utilitaires, il y avait celui-ci à l’écriture élégante et à l’énoncé énigmatique : « André, je suis ici, à l’autre bout du monde », suivi d’un numéro de téléphone : 5606122.”
COUPE-GORGE
“Au-dessus de la vitrine, une enseigne affichait en lettres gothiques "Au Coupe-Gorge". De chaque côté des mots étaient dessinés deux rasoirs pliants.
– C’est quoi ce souk ? Y’a des victimes ? demanda Z.
– Pour le moment non, pas de victimes, en tout cas pas de corps ; il y a juste un problème, c’est qu’on ne sait pas exactement ce qu’il se passe, concéda X.”
LUMILA
“Il était à nouveau debout d'inquiétude sous le ciel. À l'écart de la maison, profitant de la lumière de la lune, il cherchait au loin par-dessus la masse obscure des bois, quelque mouvement annonciateur du retour de Lumila. La ligne claire du chemin, à mi-hauteur de la falaise : rien.”